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16 septembre 2005

INTRODUCTION Que désigne l’identité multiple et

INTRODUCTION

Que désigne l’identité multiple et l’identité singulière ?.

« Si l’homme était un il ne souffrirait pas »

Hippocrate

Par unique, on entend unicité, le fait d’être un. Ce qui ne veut pas dire que nous ne nous cachions pas sous une pluralité, sous diverses et multiples représentations. Mais de quoi serait faite et quelle serait la singularité de l’identité, est-il vraiment possible d’être « un » ?. Que désigne l’identité ?, pour cela je reprendrai dans un premier temps la définition de Danilo Martuccelli selon laquelle :

L’identité désigne habituellement deux grands processus. En tout premier lieu, elle renvoie à ce qui est censé garantir la permanence dans le temps d’un individu, ce qui fait que, malgré tous les changements qu’il connaît, il est toujours ce même individu.[1]

On remarquera tout de suite que l’identité est indubitablement ici liée à une notion de temps, et de permanence de l’être dans celui-ci. Martucceli sous-entend que quelle que soit notre évolution au cours de notre vie, il semblerait que nous restions le même individu.

Mais il distingue au travers même de l’identité entre celle que nous avons pour nous ( l’identité pour soi / intime ) et celle que nous montrons aux autres  ( l’identité pour autrui / statutaire ). C’est seulement dans cette dernière qu’interviendrait la notion d’«acteur », le fait de jouer un rôle dissociable ( et que nous contrôlons ) de notre vrai moi.

L’identité est ce qui permet dans un seul et même mouvement à la fois de souligner la singularité d’un individu et de nous rendre, au sein d’une culture ou d’une société données, semblable à certains autres.[2]

Cette « identité pour autrui » dépendrait des contextes sociaux où évolue l’individu, de sa culture, de sa situation, des gens qu’il côtoie et à qui il se doit de se représenter en permanence. C’est-à-dire d’être capable de se définir lui-même aux yeux des autres, et de l’exprimer au travers du langage. Ainsi il va construire petit à petit des définitions orales toute prêtes de lui-même, adaptables suivant les contextes. S’agirait-il là de prémisses à la construction de différents rôles et à la naissance de la mascarade ? ( mais la mascarade suppose qu’il n’y aurait pas de vrai moi ). On pourrait voir ces « définitions toute prêtes » comme l’origine de la construction des clichés sociaux qui par leur répétition, ont amené à établir certaines règles du comportement. Et ce pour chaque groupe social.

Ne retrouve-t-on pas ici un des axes du travail de Cindy Sherman ?; lorsqu’elle critique l’image de la femme donnée par les médias ne met-elle pas en exergue par la même occasion le fait que nous soyons construits par des images, des représentations ( en l’occurrence dans son travail, celles de la femme ) pré-définies. Et le danger ne serait-il pas que ces représentations ne deviennent le modèle de ce que l’individu doit être. Que l’identité multiple vouée à la représentation pour autrui n’occulte « l’identité pour soi » ( si tenté qu’il y est une identité pour soi ), que l’individu soit pris dans un piège, qu’à force d’être une représentation, qu’à force de jouer un rôle, il ne devienne cette représentation elle-même.

Ainsi l’identité unique disparaîtrait-elle au profit d’une multitude d’autres identités, obligeant alors l’individu à une « recherche de soi ». L’homme fragmenté se retrouverait condamné à errer à la recherche de son unicité.

L’individu ne doit jamais se résigner à abandonner la quête pour rétablir son unité perdu.[3]

Ce qui amène comme le souligne Erving Goffman à faire de notre vie quotidienne une perpétuelle mise en scène. Avec toujours cette séparation entre l’identité montrée et l’identité caché, supposée unique car :

L’existence deviendrait intolérable pour certains si tout contact entre deux personnes entraînait le partage des épreuves, des soucis et des secrets personnels.[4]

Ce jeu est là pour définir une certaine appartenance sociale, une certaine insertion dans la société, amenant une acceptation de l’individu dans son environnement social et entraînant ou du moins aidant à une acceptation de lui même par lui-même et par les autres.

Mais est-ce que ces rôles multiples de l’identité pour autrui influenceraient, viendraient maintenir aussi l’existence, de l’identité pour soi ?.

Est-ce que l’identité multiple ne serait qu’une surface de l’identité unique?. Comme Martucelli le dit , il est toujours ce même individu, mais

L’identité n’est jamais donnée ; elle s’éprouve ou se construit toujours comme le résultat d’une médiation active entre différents registres. Elle n’existe que dans sa volonté de surmonter les divisions.[5]

En ce sens il contredit son premier point et rejoint une idée émise aussi par Michel Foucault, celle de l’identité qui n’est pas quelque chose de prédéfini, mais en construction, en devenir.

L’identité pour soi, surgirait elle-même au travers de la représentation et Martucelli ajoute à la représentation « le langage », la construction de la représentation de l’identité par le langage.

Que nous sommes tous obligés de construire de plus en plus sous l’emprise des industries culturelles.[6]

On rejoint ici l’idée d’identité sociale définie comme

le sentiment ressenti par un individu d’appartenir à tel groupe social et qui le pousse à avoir certain comportement spécifique.[7]

A l’apparence jouée s’ajoute la dimension orale où l’on communique une image jouée de soi dotée de langage et des mêmes règles que les diverses représentations construites de l’identité pour autrui. Au « je » oral, succède le « je » corporel, où le corps prend le relais du langage.

En partant de la thèse que l’homme aurait perdu son identité unique et serait en quête de cette dernière au sein de sa propre multitude de personnalités, qu’il pourrait y trouver une direction vers un équilibre. Martucelli propose que l’individu doit parvenir :

(…) à une conception critique et cohérente de soi, exigeant, avant toute autre chose, la prise de conscience de sa propre historicité. Grâce à ce travail, l’individu cesse d’être fait de « fragments » et devient « l’auteur » de sa propre vie.[8]

Pour construire une identité différente et unique, il reviendrait alors à l’individu d’être auteur de ses propres rôles, et donc ne pas les calquer sur des rôles existants, de contrôler ses identités multiples par son identité cachée n’appartenant qu’à lui.

« Le besoin d’être différent tout en appartenant à un groupe »

Je retiendrai pour l’étude suivante différentes notions d’identités qui seront développées ci-après :

1 - L’identité pour soi ( cachée, intime, singulière ).

2 - L’identité pour autrui ( statutaire, sociale, multiple ).

3 - L’identité en devenir ( en construction, non prédéfinie ).

Le troisième point de vue pourrait tendre vers une sorte d’identité sans identité, étant en construction permanente, elle serait

(…) Une sorte de foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, mais qu’il n’ait jamais d’existence réelle.[9]

C’est ce que nous verrons au travers du travail de Mathieu Bernard Reymond.

Le second point de vue, l’identité pour autrui, rejoindra au travers du travail de Tony Oursler ce que l’on appel l’état de M.P.D. : Multiple Personality Disorder, qui pour Oursler n’est plus un cas pathologique mais la norme actuelle de notre environnement social. Avec le problème de savoir si nous contrôlons la faculté de permuter nos identités entre elles, ou si nous jouons inconsciemment avec cette multitude.

Mais où ce contrôle par la concentration et la faculté d’adaptation qu’ils requièrent pourraient prendre le pas sur l’identité pour soi voire prouver son inexistence. Rejoignant ainsi l’idée de Martuccelli qu’au final :

Pour les uns comme pour les autres à terme, il peut n’y avoir que le vide.[10]


[1] Danilo MARTUCELLI, Grammaires de l’individu, Paris, Gallimard, 2002.

[2] Op. Cit.

[3] Erving GOFFMAN, La Mise en scène de la vie quotidienne, tr. Fr. Paris, Minuit, 1977.

[4] Ibid.

[5]Danilo MARTUCELLI, Grammaires de l’individu, Paris, Gallimard, 2002.

[6] Op. Cit.

[7] Dictionnaire Le Robert. Ed 2004.

[8] Danilo MARTUCELLI, Grammaires de l’individu, Paris, Gallimard, 2002.

[9] Claude LEVI-STRAUSS, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962. L’identité, Paris, P.U.F, 1983.

[10] Danilo MARTUCELLI, Grammaires de l’individu, Paris, Gallimard, 2002.

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