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imultiple
22 septembre 2005

02.4. Et Charles Ray créa l’homme à son image.

02.4. Et Charles Ray créa l’homme à son image.

02.4.1 Etre plusieurs, ou ne pas être.

Son corps est nu. Il le touche et découvre sa peau. Avec une curiosité paisible, il examine sa main, posée sous son menton contre la toison brune de sa poitrine.[1]

Dans l’œuvre de Charles Ray intitulée Oh! Charley, Charley, Charley réalisée en 1992 (ill.18), l’artiste nous propose une sorte d’orgie sexuelle entre plusieurs de ses propres représentations.

Huit fois l’artiste lui-même, clones parfait. Et un peu plus, dans le sens où Charles Ray s’idéalise quelque peu dans sa propre représentation, absence de poils, de rides, de défauts de peau, une impression de jeunesse et de fraîcheur se dégage des corps les rendant presque non-permanents. Ils sont parfaits et donnent l’impression d’être sortis de la matrice humaine il y a quelques heures. On n’arrive pas à savoir si il y a eu une matrice maternelle. Non seulement, je pense, à cause de leur apparence si semblable entre-eux, mais aussi à cause de la scène elle-même. Au delà de l’acte sexuel, j’y vois aussi un acte de naissance, de découverte commune, d’instinct primitif semblable à celui décrit par Philip José Farmer dans le cycle : Le Fleuve de l’Eternité[2], où des individus ressuscités se retrouve par millions, nus, sur les bords d’un fleuve. L’une de leur première actions sera d’ordre sexuel et tournera en une orgie incommensurable et animale. Sauf qu’il s’agit d’individus ayant déjà vécu. Pas chez Charles Ray, ils n’ont pas de passé.

Chez Charles Ray ce côté de « début », de « commencement », m’empêche de voir en ces personnages un passé ou un vécu quelconque, comme s’ils étaient nés directement à l’âge adulte,  toujours en rapport à ce sentiment de non permanence.

L’identité pour Danilo Martucceli :

(…) renvoie à ce qui est censé garantir la permanence dans le temps d’un individu, ce qui fait que, malgré tous les changements qu’il connaît, il est toujours ce même individu.[3]

Ce qui garanti la permanence dans le temps sont nos références, ce qui nous lie à notre existence personnelle, non seulement ce que nous avons construit par nous mêmes, mais ce qui nous a construits avant même notre naissance, nous sommes en tant qu’individus toujours d’abord désignés en tant que « fils de ». Pour Edgar Morin :

Nous nous définissons en référence à notre village, notre province, notre nation, notre religion. Notre identité se fixe non en s’en détachant, mais au contraire en incluant ses ascendants et ses appartenances.[4]

(…)nos parents, nos ascendants sont en nous. Nous portons cette multiplicité d’êtres qui survivent ainsi au-delà de leur mort.[5]

Mais chez l’œuvre de Charles Ray, il n’y a pas ce passé, les personnages ne semble pas porter cette multiplicité d’être. Leur uniformité empêche de les rendre unique.

Ils sont vides, ils ne sont que des sculptures.


[1] Robert  Silverberg, Son of man, 1971, Tr. Fr. Librairie Générale Française, Le fils de l’homme, 2003.

[2] Philip José FARMER, The Dark Design, 1977, Tr. Fr. Le Fleuve de l’Eternité, Laffont, Paris, 1980, 5 volumes

[3] Danilo MARTUCELLI, Grammaires de l’individu, Paris, Gallimard, 2002.

[4] Edgar MORIN, L’Identité humaine, La Méthode, tome 5 : L’Humanité de L’Humanité, Paris, Seuil, 2001.

[5] Ibid.

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